Voyages

CNY 7 : Sandy s’énerve et s’en va en claquant la porte

2-00 PM – Les grincements du building se font de plus en plus forts, et le paysage, au travers des vitres, se modifie légèrement, il s’assombrit et le peu de couleurs s’estompe. Un voile semble être posé sur les fenêtres et tamise l’extérieur comme un filtre sur la baie vitrée, David Hamilton a designé l’arrière plan. Des bâches de travaux, accrochées il y a encore 2 heures sur les parois d’un immeuble en construction ont soudain disparu. Ont-elles été enlevées par la main d’un homme prudent ou par l’expiration sévèrement poumonée d’un vent qui ne manque pas d’air ? Le drapeau en face est déchaîné. Le piquet qui le tient plie mais ne rompt pas, combien de temps encore va t-il rester en place ? La puissance du souffle est scandé par des accélérations intempestives et régulières qui donnent une forte impression d’être en mer, sans roulis, sans tangage, enfin pour l’instant. Le pire étant les bruits, ceux liés à la vitesse et à la colère de la nature m’inquiètent mais ceux liés aux choses qui se brisent contre d’autres me plongent dans un effroi total. Je ne suis pas adaptée à la situation, j’ai le mal de mer sur un lac et le vertige dès le 2 ième étage. Mais qu’est ce que je fais là face à ma baie vitrée au 38 ième étage d’une tour de verre en plein Manhattan ? Dans un habitat de verre qui, comme on le sait, n’est pas le matériau le plus flexible, et qui me fait dire que si la tour penche….

 “Sainte Amex, Sainte Infinite ?” Rappelez-moi quelles sont vos conditions de rapatriement en cas de force majeure et naturelle ?

Je demande pardon aux américains pour m’être moquée de leur surpoids et leurs précautions excessives dans mon précédent post.,

Parce que quand j’en aurais fini avec mes cupcakes Red Velvet et mon Ruinart millémisé (c’est à dire demain), que la colère de Sandy ne permettra pas encore de sortir, que les grincements de l’immeuble s’amplifieront et que les goutelettes s’écraseront contre la vitre en vagues hystériques, et bien je risque de rêver de saucisses bien grasses accompagnées d’une persillade de pommes de terres sautées. Petite pensée à ceux qui hier étaient dans la file d’attente et qui sont aujourd’hui en train de se taper la cloche.

7-00 PM – Alors que je suis en train d’écrire, j’entends une voix qui sort d’un micro. La voix ordonne quelque chose qui semble comminatoire mais que je ne comprends que partiellement “… Les personnes qui sont en difficulté doivent appeler l’accueil…” dit la voix. Juste à côté de moi, la télévision dont j’ai coupé le son diffuse des images que je ne regarde pas. Si j’avais écouté avec attention j’aurais compris que l’immeuble devait être évacué immédiatement, de même, si mes yeux s’étaient portés sur l’écran de télévision, j’aurais sûrement été “surprise” (surprise, le mot est faible : “sur le cul” serait plus approprié) de voir sur l’écran ce que je vois de ma fenêtre : la grue de l’immeuble en construction du trottoir d’en face, à moitié effondrée..

A la deuxième injonction,10 minutes plus tard, je comprends (enfin) qu’il faut partir. Je prends ma fille, mon mac, mes cell phones, mon porte-feuille, et le roman que je suis en train de lire (Scott Fitzgerald, Gastby). J’oublie mon passeport, ma brosse à dents, ma brosse à cheveux…. Au front desk, je demande ce qu’il se passe. “it is because the crane” me dit-on. Ah, réponds-je, n’ayant aucune idée de ce qu’est “a crane”. Je me faufile au travers d’une horde de pompiers affairés dans le hall d’entrée. Il me faudrait quand même un endroit pour me poser. Oui mais où ? Le Hilton est complet ? Ah zut. Chercher un hôtel en plein ouragan n’est pas évident. Alors, assise à même le sol, je reprends tranquillement la lecture de Gatsby. Lire permet de s’extraire et d’oublier temporairement les vicissitudes de l’instant. Comme de toutes façons le temps règle toujours tout. Une bonne fée de passage me voit assise par terre avec mon baluchon et me réserve une chambre au Blakely, un hotel surané mais charmant. Dans ma chambre d’hôtel, j’ai l’impression d’être sous terre alors que je suis pourtant au 9 ième étage. Dehors, la grue menace toujours de s’écrouler et le vent continue sa folle poursuite vers le nord. Un bruit de ferraille fend le rugissement de ce mélange de vent pluie. Peut-être la grue est-elle tombée?….La télévision diffuse toujours des images inquiétantes. Je m’endors. Demain sera un autre jour.

Midi, mardi –

Le calme après la tempête. J’allume le poste, la grue est toujours en train de pendouiller mais comme le vent est tombé, avec un peu de chance, les 2 immeubles qui ont dû etre évacués vont pouvoir être ré-intégrés par leurs habitants. Devant la Metropolitan Tower, je croise 3 jeunes français résidant à mon étage. Ils ont passés la nuit dans la rue. Quand l’évacuation a été ordonnée, au lieu de partir, ils sont montés sur le rooftop pour prendre des photos de la grue. Mais lorsqu’ils ont voulu redescendre, les ascenseurs étaient bloqués par les pompiers qui avaient envahit l’immeuble. Hyper équipés, armés de hâches, masque sur le visage, les pompiers rentraient dans les appartements avec les clefs du concierge pour vérifier qu’il n’y avait personne.  

Ce matin le quartier est toujours bloqué. Une pluie légère brumise les rues et malgré ce temps humide de nombreuses personnes errent dans les rues.

Je m’interroge quand même sur les limites de ces précautions excessives : 2000 personnes evacuées midtown à cause d’une grue, attendent que le maire de New York donne un ordre ou un accord.

Cet ordre, cet accord, sera donné après certaines vérifications : ingénieurs, avocats, assureurs, chef des pompiers, cascadeurs, promoteurs… tout le monde travaille sur cette décision.

Quand devra t-on débloquer cette zone entre la 7 ième avenue et la 57 rue ? J’espère que temps de la décision ne sera pas trop long et que je retrouverai très vite mes affaires, mon appartement, les cupcakes et le Ruinart. 

Happy Quinqua, c'est moi !

9 Comments

  • Le Salon sous la Vigne

    En attendant champagne, il y en a toujours et partout même si pas du Ruinart.
    Une expérience de plus…
    Mais pourquoi la grue était restée la haut, on se le demande, évacuation métro et tout et tout mais on laisse une grue comme un monument…
    J’ai vu la grue et cela m’a fait penser à Dubai où les grues sont partout, un moyen de s’appropier le désert.
    courage c’est fini

    • M.

      Je crois que si la fermeture du metro relève de la municipalité, l’édification d’une grue ou son démantèlement relèvent d’investisseurs indépendants. Donc d’autres règles. Là à mon avis ils sont en train de négocier comment faire et surtout qui va payer quoi. De gros enjeux !

  • CocoBeloeil

    Bon je suis bien contente de partir à Sydney, à part quelques araignées, temps calme et douce chaleur. Le hurricane était-il compris avec l’appartement? Et toi, tu que leur as-tu organisé? Il faut être au niveau, 1789?

    • M.

      Ah ah ah Moi je leur ai organisé une panne de chauffage dans l’une des pièces de l’appartement et une erreur à laquelle je ne les avais pas préparés : en France il y a de l’essence ET du diesel.
      Ils avaient donc une chance sur 2 de ne pas se tromper… et 1 chance sur 2 …. de se tromper !
      Bingo !
      mais ils sont gagnants parce que le coup de la grue, j’avoue que je peux pas lutter
      Bon voyage à Australie

  • Muriel

    J’ai lu ce récit comme un scénario de film …..
    J’adore NY et à travers vos mots , j’y étais !
    La grue « pendante » est passée sur toutes les chaines …..
    Image inquiétante de ce bout de ferraille qui ballotait comme un pantin .
    Ils ont annoncé 1 semaine avant que la ville reprenne vie … courage !

  • M.

    Pendant que la « grue pendante » passait sur toutes les chaînes du monde entier, sous mon nez dans le poste muet, et en réel à quelques mètres de chez moi de l’autre côté de la rue, pendant que les pompiers faisaient le tour des appartements pour s’assurer que les gens étaient bien partis, je me faisais les ongles….
    Pourrait être en effet le début d’un scénario !
    J’espère qu’ils vont régler le problème de la grue très vite.
    Je m’ennuie un peu dans mon hôtel avec un internet qui fonctionne au ralenti et encore quand il veut

  • Tanesha

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  • Oncle Nestor

    Sans Ruinart, sans internet, sans sorties, si je ne vous connaissais pas un peu, j’aurai peur que vous finissiez comme Sue Ellen par trainer toute la journée dans votre chambre en pyjama, un verre de whisky à la main… Heureusement il y a les livres (relire Xavier de Maistre « Voyage autour de ma chambre ») ! Cela dit, l’un n’empêche pas l’autre…

    • M.

      Heureusement il y a Barnes & Nobles : 2 étages sur la 5 ave (thanks Michel), si vous voulez me joindre demain je suis là-bas toute la journée. Un petit benchmark de l’édition US, c’est toujours bien….

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