Voyages

FISHER$ Island

Si vous allez à Fishers Island, c’est que vous y êtes invités. Personne ne va à Fishers Island par hasard, rien de cette île ne se raconte dans les guides touristiques et, en dehors de quelques considérations sur le temps et la géographie glanés sur Google, rien de bien croustillant ne vous sera livré. Au mieux, vous pourriez trouver dans les colonnes du Vanity Fair version US quelques unes de ces anecdotes dont se régalent les américains. Des histoires de divorces spectaculaires ou d’héritages singuliers concernant les célèbres propriétaires, mais rien de plus. L’île baigne dans un silence feutré où tout est  bien rangé, et où même la nature semble aux ordres.

Fishers Island s’étend sur 14 km de long et abrite 460 maisons, pratiquement toutes avec vue sur la mer dans ce bon goût victorien que revendique la côte est du pays.

La richesse y est discrète, la nouvelle Angleterre n’est pas loin, ici quand on parle d’argent, c’est sans complexe, sans cris mais avec chuchotements. Fishers Island ne doit pas être confondue avec l’autre Fisher Island (sans S) qui se trouve en Floride. Charley, rencontré sur le ferry, me dit qu’à Fisher (Floride) les gens veulent paraître plus riches qu’ils ne sont, tandis qu’à Fishers (NY) ils cherchent à se montrer plus pauvres que la réalité. Charley est curieux, il me demande chez qui je vais. De quoi je me mêle ai-je envie de lui répondre. Mais quand je donne le nom de John, mon hôte, je comprends que  je viens de prononcer le sésame qui m’octroie une déférence aveugle et définitive. «C’est à John que nous devons les pistes cyclables de l’île», me dit Charley. Euh c’est à dire ? il a négocié la chose avec le maire ? «Non, il a crée une fondation, levé des fonds et organisé les travaux».

J’ai la chance et le bonheur d’être reçue par le prince de l’île : John est un homme généreux, attentif, et doté d’une l’intelligence acérée. Il a acheté sa maison sur l’île quand il a fait fortune, c’est à dire à l’âge de 24 ans. Normal quoi, nous sommes en Amérique.

Nous parcourons l’île à vélo empruntant les fameuses pistes cyclables qui longent la mer et croisons une jogueuse «Hi John, je t’envoie un chèque demain.» 

Nous vivons un moment de grâce assez magique lorsque nous nous arrêtons devant une immense maison en verre, et qu’un bâteau aux voiles déployées glisse sur l’eau dans la transparence de la porte.

Ici, à Fishers, pas d’hôtels, pas de restaurants, pas de touristes, pas de supermarché, juste 2 clubs : un club de golf très fermé et référencé comme étant l’un des plus beaux des Etats-Unis, et le club de tennis, qui pareillement n’opère sa sélection de membres que dans la tradition la plus WASP. L’argent ne suffit pas, Il faut de la noblesse, et des références. 200 personnes sont en liste d’attente. La difficulté d’entrée excite le désir d’appartenance. Comme souvent. Impossible d’avoir une vie sociale sans être membre d’un des 2 clubs. Il est des choses que l’argent n’achète pas et le comité de direction de ces deux clubs très exclusifs aime à le rappeler.

Le soir au dîner, il y a la divorcée d’un milliardaire, «elle a récupéré 200 millions de dollars dans la transaction et un «pink diamond énormous» au doigt». John me dit à l’oreille en français «Peu de chance qu’elle soit acceptée au club», ni elle, ni son copain, lui-aussi fortune récente.

Bref cette plongée dans « l’aristocratie » locale m’amuse car l’éclectisme et l’ouverture d’esprit de John lui fait malgré tout rassembler des gens différents autre que des héritières décorées de diamants et des retraités de la finance. 

Preuve en sera le jour suivant, John a invité un panel de voisins et amis. Le champagne est français, les vins californiens et les conversations égrènent avec joie quelques anecdotes polies. 

Je parle avec une dame à chignon qui marie sa fille le 21 septembre, elle est à fond dans les préparatifs, «j’espère avoir du beau temps» me dit-elle

John m’envoit les sous-titres : « Sa fille épouse le propriétaire d’une marque de vêtement, Abercrombie & Fitch, tu connais ?»

Elle devrait pouvoir s’offrir le soleil.

Je fais 2 magnifiques rencontres : Camille, comédienne, (Les rivières pourpres 2) qui vit à Los Angeles. Brillant parcours : Bac a 16 ans, prépa HEC, diplômée de Sc po et d’économie à Oxford. Polyglotte (4 langues sans accent), elle décide à 21 ans de devenir comédienne. Je loue son courage et sa détermination dans un milieu injuste et difficile où les élues le sont par le fait de critères fragiles.

L’autre rencontre est Sandrine, une française qui vit à Boston depuis 13 ans, spécialiste de littérature française et américaine, ex enseignante à Boston University et Harvard. Femme d’affaire et traductrice pour l’édition, Sandrine est drôle et très sympathique. Nous passons un bon moment.

Douze privilégiés s’installeront autour de la grande table devant leur nom. A l’aide de son intendance, John nous a concoctés un rizotto aux asperges et lobster, une pure merveille (oui parce qu’entre autre qualité John est un bon-vivant raffiné, un gastronome actif qui aime autant déguster que préparer et partager les bonnes choses). Le séjour s’achève dans l’ambiance d’une brume ouatée qui flotte au dessus de la mer. Des chants grégoriens emplissent la maison. So chic ! Les hortensias bleues prennent la pluie, tout comme moi lorsque je rejoins en courant le bateau qui me ramène à Big Apple et à la vraie vie. 

Happy Quinqua, c'est moi !

6 Comments

Répondre à Mylène Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d blogueurs aiment cette page :