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Quatre crânes

Bien sûr toute ressemblance avec certaines personnes issues de mon carnet d’adresses est totalement fortuite et dépendante de ma volonté.

1/ N fut celui qui me donna envie d’écrire sur les crânes. Tout simplement parce que le sien était d’une curiosité inhabituelle. Il avait en effet la forme d’un parallélépipède rectangle quelque soit l’angle d’où on l’observait. En plongé ou en contre plongé, on pouvait apercevoir les arrêtes des coins dans lesquels il était amusant d’imaginer quelles pensées, quelles névroses ou quelle forme d’intelligences diverses avaient eu le bon goût de s’y loger.

Un matelas un peu trop dur avait-il imprimé définitivement sa forme ? Seule cette symétrie céphale exprimait l’idée de la rigueur et de la droiture, car un penchement sur l’avant, parti de la naissance du cou et se terminant en biais jusque sous le bas du menton, redonnait de la légèreté à sa silhouette roide. Définitivement trop lourde pour son tuteur de tronc, la boîte crânienne, qui précédait de quelques centimètres un buste étroit se dodelinait lascivement à chaque pas. Le poids de la lassitude avait anéanti depuis longtemps toute forme de nervosité. Les années n’arrangeaient rien.

2/ Pouppy, lui, avait le crâne taillé en pointe. Une houppelande composée de quelques cheveux survivants était dressée décomplexée en son sommet et trônait fièrement tout comme le drapeau de Sir Sigmund Hillary tout en haut de l’Everest. C’est le seul crâne pointu référencé à ce jour qui devrait finir dans un bocal posé sur une étagère au musée Branly coincé entre celui de l’homme de Néanderthal et celui d’un sinanthrope. Mais sa belle douceur naïve et bienveillante dans le regard faisait vite oublier sa singularité crânienne.

3/ Dans sa verticalité la plus écrasée, et dans son intelligence la plus écrasante, placé sinon gagnant, il m’est impossible dans un tel contexte d’éluder le crâne de M que j’aurais tant aimé toucher un peu comme un moignon porte-bonheur et même plus si l’occasion s’était présentée. Ce crâne, fièrement doté d’une note de tête à un chiffre, un peu comme un 1, ou un i forme de haut en bas vue de profil une ligne d’une droiture impeccable, prometteur de loin, séduisant de face, et difficile sur l’arrière car plat dans la forme sans être pour autant creux dans le fond. Une densité en déséquilibre, un peu comme si comme si chacun des hémisphères s’étaient affrontés violemment et que l’un des 2 avait gagné. Ce crâne-là s’accommode d’un corps imbu d’une mollesse lascive. Tel un long légume trop cuit, debout, dégingandé, tout en hauteur, M se tient toujours un peu plié pour mieux accéder à la France d’en bas, pour mieux l’observer, pour mieux la faire rire.

4/ Le crâne de L prolonge un cou de bovidé : tour de tête et tour de cou ont les mêmes dimensions. De loin sa silhouette semble être le croisement hybride d’un rugbyman et d’un frigidaire. Cet aspect cubique est solidement appuyé par d’étroites épaules pleine de muscles et de chair qui donnent à son allure imposante, massive et déterminée l’idée de ses contrastes et paradoxes. Petite tête et large cou sont posés là, sur un cylindre poitrinal disproportionné par rapport à la longueur trop courte d’un bras qui s’achève par une main glabre et mate au bout de laquelle des doigts d’enfant pianotent inlassablement un écran d’I-phone. L’un d’entre eux est curieusement bagué un peu comme un pigeon, image qui le hérisserait tant sa phobie du lien relève du pathos (ou du pathétique). Cette agitation digitale incessante et systématique indique clairement que plus important que vous est au bout du fil. Vous pardonnerez à ce trop charmant cette impolitesse, ainsi que les autres, même si vous êtes attendrie par son air toujours un peu en colère, vaguement indigné qui nous dévoile sa fêlure, de celle qui fait si bien le terreau de son vide sentimental.

Happy Quinqua, c'est moi !

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